Une Église d’étrangers


Propos d'un chrétien engagé / jeudi, octobre 17th, 2013
Temps de lecture : 4 minutes(Last Updated On: 17 octobre 2013)

Dès les premières pages de la Bible, le croyant est confronté au déracinement, à la nécessité de quitter sa terre pour marcher vers une terre promise. Le fait de partir, de chercher à découvrir une « terre promise » est comme inscrit dans les gènes de celui qui a mis sa foi dans le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de Jésus.  C’est peut être également une invitation à ne pas rester au connu et à continuer de s’aventurer sur les routes humaines, à la rencontre de nos contemporains.Accueillir l'autre : une démarche de foiCe mouvement est comme un pèlerinage qui ne cesse ne nous inviter à découvrir jour après jour la richesse de la rencontre, de la diversité. C’est un appel à repousser toujours plus loin la frontière et l’étendu du champ que je suis appelé à moissonner avec les hommes et les femmes de ce temps.

Aux frontières

François, l’évêque de Rome, ne cesse d’appeler les croyants, dans une expression typiquement jésuite, à aller aux frontières de notre monde. Il ne s’agit pas tant de partir en mission, comme jadis mais, peut-être de devenir ces « missionnaires sans bateau » chers à Madeleine Delbrêl. Aller à la rencontre de l’autre, non pour chercher à le convaincre mais pour cohabiter avec lui. Il s’agit de faire un pas vers l’autre, pour se laisser aussi rejoindre par lui. Nous avons souvent tendance à vouloir absolument sauver l’autre alors qu’il a souvent besoin de chaleur, de considération, de respect. Bien sûr avec les personnes en souffrance il faut agir avec elles et non à leur place. Nous devons nous efforcer de toujours nous placer, dans nos relations, de manière à ce que l’autre puisse toujours se considérer comme sujet.

« Quitte ton pays »

« Va, quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père pour te rendre dans le pays que je t’indiquerai » : ce passage de la Genèse où Dieu s’adresse à Abraham a de quoi surprendre. Dieu, pour faire son peuple, sur une terre promise, demande de se déraciner. En fait, s’agirait-il d’un appel à devenir à l’égard des autres un étranger ? Une personne qui est de passage, qui n’habite pas le pays, qui ne possède pas les codes… Beaucoup de nos contemporains sont dans cette situation. Souvent malgré eux. Déjà, lorsque nous séjournons dans un pays, en touriste, où la langue, l’alphabet, les coutumes nous sont inconnus c’est difficile alors imaginons pour les réfugiés que nous accueillons. Au-delà de cet aspect culturel et intellectuel, non négligeable, se considérer comme un « étranger » dans son propre pays pourrait permettre d’être attentif à tout ce qui nous entoure et qui peut faire obstacle à l’intégration. Sachons être hospitaliers, disponibles et ouverts dans toutes les rencontres que nous sommes amenés à faire. Nous servirions ainsi la cause de celui qui ne se sent pas chez lui et permettrons de créer une société où l’accueil et la bienveillance prennent le pas sur la suspicion, la méfiance et toute tentative de discrimination.

Étranger sur terre, citoyen des cieux

Se considérer comme étranger sur la terre c’est accepter d’entrer dans une relation de dépendance à l’égard de nos contemporains. Cela ne veut pas dire accepter d’être maltraité, insulté, rejeté. Au contraire, c’est exercer une vigilance extrême contre l’inhospitalité. Tous les hommes et les femmes de ce monde ont la même dignité et ce peu importe leur spécificité ethnique. En revanche, la Cité du Ciel, pour le chrétien, est sa vraie patrie, comme le dit Thérèse de Lisieux. Il ne faut pas comprendre cela comme un lieu extra-terrestre mais dans le sens où nous habitons dans le cœur de Dieu. En s’enracinant dans son amour, dans sa folie de nous aimer bien plus que nous oserions le demander ou même le penser, Il nous donne l’énergie nécessaire pour contribuer à bâtir un monde de justice et de paix.  Cette identité céleste rien ne saurait nous l’enlever.

Vivre de cette identité est un vrai défi pour le temps actuel.  Nous ne pouvons pas continuer à nous ignorer les uns, les autres et ainsi déchirer la tente de la fraternité. De partout, des hommes et des femmes crient leur désir d’un monde où leur dignité sera respectée, ils fuient leur misère pour trouver refuge vers une terre moins hostile. Saurons-nous les entendre et leur tendre la main ?

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