Au service de sa divine Majesté


Hommage, Propos d'un chrétien engagé, Vie de la Cité / samedi, mars 2nd, 2013
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Le siège de Pierre est vacantLe siège de Pierre est vacant. Benoît XVI, souverain pontife émérite, après avoir souhaité bonne nuit à la foule réunie à Castel Gandolfo s’est retiré dans la paix pour se consacrer à l’étude, à la prière et… à son piano. Voilà une situation inhabituelle pour l’Église catholique et ses fidèles : faire comme si le souverain pontife n’était plus de ce monde, alors qu’en fait il est mais émérite. Ces derniers jours du Pape sortant ont été d’une grande intensité et pas seulement dans le registre de l’émotion. Benoît XVI est resté cet « humble serviteur à la vigne du Seigneur » et a invité les fidèles de l’Église qu’il a servie durant presque huit ans comme successeur de Pierre à se tourner vers Celui qu’il n’a jamais cessé de servir : le Dieu père, fils et Esprit Saint.
Le jour précédant celui de sa renonciation, Benoît XVI a reçu les cardinaux dans la salle Constantine pour un au revoir solennel. Les mots adressés au collège cardinalice n’étaient pas emprunts de pathos. C’était, une fois de plus, une leçon de théologie pastorale. Il a été reproché au Pape émérite d’être plus un intellectuel qu’un pasteur mais il est bien difficile d’être l’un sans l’autre.
Montrer le Christ
Amener au Christ demande de prendre le temps de l’étude, de la méditation, de la lecture. C’est, il me semble, ce que Benoît XVI n’a cessé de faire tout au long de son ministère qu’il soit pétrinien, à la doctrine de la foi ou bien au service de l’Eglise de sa chère Bavière. C’est avec reconnaissance et humilité qu’il s’est adressé à ses pairs sans s’accorder de gloire. Benoit XVI n’a jamais cherché autre chose que de montrer la voie du Christ. Cette quête  avait, pour le Souverain Pontife émérite, une dimension collégiale. Il en parle à la première personne du pluriel :

Nous avons cherché à servir le Christ et son Église avec cet amour profond, total, qui est l’âme de notre ministère. Nous avons donné de l’espérance, celle qui vient du Christ, la seule qui peut éclairer le chemin ».

Il me semble que sa volonté, ici, était de mettre en lumière, une fois de plus, que l’Église était un corps et que la mission du Successeur de Pierre ne pouvait être accomplie qu’en solidarité avec les autres. Peut-être était-ce là un message de rappel à ses pairs les invitant à vivre davantage dans la communion et la collégialité pour la plus grande gloire de Dieu et non pour la leur. Cette union à laquelle Benoit XVI aspire n’est pas un appel à l’uniformité, sa métaphore sur l’orchestre, le dit bien :

que le Collège des cardinaux soit comme un orchestre où les différences, expression de l’Église universelle, concourent toujours à la plus haute harmonie

. Il pourrait être bon que nous entendions et vivions cet éloge de la diversité dans nos communautés ecclésiales…
Unir le corps du Christ
L’ecclésiologie de Benoît XVI , telle qu’il l’a définie au travers des propos de Romano Guardini :

L’Église n’est pas une institution pensée et bâtie sur papier, c’est une réalité vivante. Elle vit tout au long du cours du temps, en devenir, comme tout être vivant, se transformant. Et pourtant, dans sa nature, elle reste toujours la même?: son cœur est le Christ

nous dit bien toute l’ambition que le Pape sortant portait à sa mission : unir l’Église et lui permettre d’être vivante c’est-à-dire en phase avec la vie des hommes et des femmes de ce temps tel que le définit le premier chapitre de la Constitution Gaudium et Spes :

Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire.

Notre baptême nous invite à nous mettre au service de l’Église, qui n’est pas une énième institution humaine, mais le lieu où Dieu choisit de se dire d’une manière particulière. Cette Église composée d’hommes et de femmes fragiles n’a pas pour fin de se servir elle-même ni de se centrer sur des questions organisationnelles, inévitables cependant. Son rôle est de permettre aux hommes et aux femmes de ce temps de se laisser rejoindre par le Dieu et Père de Jésus-Christ et surtout de leur  présenter Dieu, par leur témoignage de vie et leur service du frère. Pour que cela soit possible, il est nécessaire de recevoir la grâce de Dieu. Seuls avec nos fragiles forces et notre bonne volonté, le découragement est fréquent. Avec la force de Dieu, reçue dans la prière, il est en autrement ;  notre fragilité demeure mais elle est consolidée. Prier autrement, de manière plus intensive semble être un appel que le Seigneur envoie au Pape émérite. Il enjoint également ses frères dans la foi, en premier lieu les cardinaux, de le suivre dans cette dynamique « afin de servir l’Église et toute l’humanité ». C’est dans ce même état d’esprit que Benoît XVI a prononcé ses dernières paroles de Pape en activité :

Avec mon cœur et tout mon amour, avec ma prière et ma réflexion, et de toutes mes forces intérieures, je désire œuvrer pour le bien commun, le bien commun de l’Église et de l’humanité […] ».

En ces temps où notre Église va recevoir un nouveau pasteur suprême, prions pour que l’Esprit Saint puisse inspirer le collège cardinalice dans l’élection du nouveau successeur de Pierre. Puisse-t-il aider les fidèles de l’Église Catholique à vivre en fidélité à l’Évangile dans la prière, le service et le témoignage authentique dans cette dernière parole du Pape Benoît XVI « Allons de l’avant en compagnie du Seigneur pour le bien de l’Église et du monde  ».