Claude Dagens : un évêque libre de la Tradition


Entretien, Hommage, Propos d'un chrétien engagé / vendredi, mars 4th, 2011
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Il y a des rencontres qui valent des cours et des manuels entiers d’ecclésiologie. C’est le cas de celle avec Claude Dagens, académicien et évêque d’Angoulème. Sur Paris, il loge chez les Sœurs de l’adoration. Ce détail anodin peut nous faire saisir l’enracinement profond qui émane de ce bordelais : le Christ. Il vous y accueille simplement, dans une des pièces de l’hôtellerie, vous demande de prendre place et vous écoute. Réaliser une interview à Claude Dagens c’est accepter d’échanger un peu de soi. Il est d’une disponibilité qui ferait pâlir un bénédictin.
L’information est faîte pour informer et non pour être déformée
Lorsque vous êtes communicant, ce que je suis modestement, vous en prenez déjà pour votre grade. Avec beaucoup de sympathie, d’empathie, monseigneur Dagens vous fait saisir que vous avez un grand défaut ; celui de voir l’immédiat. Ceci dit, il accepte tout de même de reconnaître que vous êtes là dans votre rôle d’informer. Il s’en suit une discussion digressive sur cette mission d’informer. Et là, vous saisissez que l’immédiat, bien que nécessaire, doit savoir faire la place à l’indispensable. Ainsi, lorsque les médias évoquent une allocution du Pape ou de l’un ou l’autre pasteur de l’Eglise, il n’est pas obligé de flatter les bas instincts et de donner une information biaisée. Car, bien souvent, ces prises de parole visent des réalités bien plus épaisses et pertinentes que des questions de préservatifs, mariage, etc. Elles sont destinées à la croissance de l’intelligence. C’est une bonne leçon de journalisme que vous recevez là. L’information est faîte pour informer et non pour être déformée.
Le but de l’Eglise n’est pas l’Eglise
Cette (re)mise en perspective effectuée, nous pouvons aller en eaux profondes avec ce Pasteur attentif des signes des temps. Quand il s’agit d’échanger à propos de l’Eglise, il est tout aussi pertinent et perspicace pour mettre en lumière sa réalité ontologique. Avec Claude Dagens nous percevons bien que les questions satellites ne sont pas l’essentiel de sa pensée. Ce qui lui importe c’est de donner la vision d’une l’Eglise appelée à vivre sa mission qui n’est pas de s’auto-annoncer, ni de s’auto-proclammer. Il aime dire avec insistance que « le but de l’Eglise n’est pas l’Eglise ». Il utilise cette phrase pour faire saisir que l’Eglise est « le doigt de Jean-Baptiste » qui montre le Christ. Appartenir à l’Eglise, pour le Pasteur de l’Eglise qui est à Angoulême, c’est avant tout vivre et témoigner d’une relation vivante avec le Christ. Le reste n’est pas essentiel. Il reconnaît tout de même l’intérêt de l’institution mais la replace dans une perspective de service du corps entier. Vivre comme chrétien pour l’Eglise c’est être infidèle à sa mission. Il faut, s’il on en croit cet évêque académicien, comprendre, saisir et vivre «  que le but de l’Eglise est de permettre la rencontre avec Dieu. ».
Sécularité et apostolicité
Le contenu de la foi chrétienne est une pierre d’achoppement, c’est même, en quelque sorte, constitutif de son identité. Le chrétien, celui qui confesse « Je crois en Dieu qui s’est fait homme en Jésus » témoigne déjà d’une incongruité. Cette confession est une réponse à un appel nous dit Claude Dagens. Il est important de ne pas nous sentir prisonnier, esclave d’un système même et surtout dans nos sociétés sécularisés. A propos de ces dernières, l’évêque d’Angoulême nous invite, nous incite à demeurer ferme dans l’espérance : « Il y a  un combat chrétien à mener, celui ‘d’espérer contre toute espérance ‘ ». Ce n’est pas un appel neuf, Paul nous l’enseignait déjà, mais c’est une dimension, une dynamique à réentendre afin de ne pas nous laisser aller au désenchantement. De même, il nous indique une autre mission du chrétien qui est celle d’être attentif, vigilant à l’autre et au respect de sa dignité. Ce ne sont pas là des conseils révolutionnaires, ce n’est pas le genre de Claude Dagens, mais ceux issus d’une sagesse, celle de l’Evangile puisque « l’homme est la route de l’Eglise » (CA 6).
Cet échange avec monseigneur Dagens a saveur d’Evangile. Sa présence, ses réponses patientes et argumentées vous donnent le visage d’une Eglise en phase avec le monde, avec les questions que les hommes et les femmes de ce temps se posent. Il n’a pas des réponses formatées, ce sont plus des pistes pour avancer, des jalons pour un chemin qui reste à parcourir à la suite du Christ. Sa devise épiscopale, « i » (va), la plus courte du monde en est comme le signe et le rappel.