Nous ne sommes pas perdus, mais sauvés par l’Amour


Méditations au coeur du monde, Propos d'un chrétien engagé / vendredi, juin 18th, 2021
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Tempête apaisée« Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? ». Cette phrase des disciples que nous entendons dans l’Évangile nous est familière. Combien de fois avons-nous pensé que le Seigneur se désintéressait de nous ? Parfois, et la crise sanitaire que nous traversons peut nous y inciter davantage, nous trouvons que Dieu est le grand absent de notre vie. D’ailleurs, l’athéisme grandissant n’en est-il pas la preuve ? Toutes les raisons sont bonnes pour nier la présence agissante de Dieu en notre monde. Mais, à bien y réfléchir, ne serait-ce pas plutôt un manque de foi, de courage, d’audace de notre part ? Si nous attendons tout de Dieu, effectivement nous sommes perdus.

Notre mission : annoncer l’Amour

Souvenons-nous de la Pentecôte. Depuis, nous sommes envoyés en mission pour dire que le Seigneur est avec nous. S’il est avec nous, alors pourquoi est-il si discret ? C’est une des réalités de la foi que nous n’avons jamais fini de découvrir. Cette discrétion assumée est, peut-être, pour que nous grandissions, que nous prenions notre monde à cœur pour lui apporter le Salut de Dieu, par nos vies, par nos mains. Pas facile d’avoir la foi, de « mettre notre confiance en Dieu comme si tout dépendait de nous et non de Lui, et se mettre à l’action comme si tout dépendait de nous et non de Lui », selon l’adage igniatien.

Agir avec Dieu

Il n’est pas question de ne rien attendre de Dieu, comme s’il était au spectacle du monde, mais de prendre pleinement notre place. Nous ne sommes pas des pantins, des jouets d’un quelconque démiurge, mais la création aimée de Dieu. Cela change tout, car avec un tel amour, nous ne pouvons pas être perdus. Dieu nous a créés libres pour que nous soyons, avec sa force, les acteurs justes et fraternels de notre monde. Il est avec nous, même lorsque la barque tangue et que souffle le vent. Il est à l’arrière tranquille et serein comme pour nous dire, une fois de plus, « Soyez sans crainte. La paix soit avec vous ». C’est bien le paradoxe de notre Dieu, ce présent tellement absent.

Pour ne pas être perdus : espérons contre toute espérance

Pour prendre conscience qu’Il est à l’œuvre en cet âge, nous avons besoin d’ouvrir les yeux de notre cœur, de regarder le monde avec le regard de celui qui espère contre toute espérance. C’est cela la foi, savoir que tout est possible grâce à Dieu, mais que tout dépend en grande partie de moi, car je suis libre. Cette liberté n’est ni surveillée, ni encadrée, ni restreinte. C’est la Bonne Nouvelle de la foi ! Toutefois, que répondre à ceux qui semblent être perdus, isolés, comme en pleine mer ? Il y a beaucoup dans notre monde et nous partageons la même humanité. Le silence de Dieu peut surprendre.

Le sommeil : un temps pour reprendre force

Pour seule réponse, nous n’avons que la force de l’Amour et le témoignage humble et patient que nous essayons de donner dans et par toute notre vie. Cette présence, à ceux que nous rencontrons, peut être le signe de ce Seigneur qui nous semble dormir. Le sommeil de Dieu n’est jamais le signe du désintérêt pour la création. C’est un temps où l’Esprit est à l’œuvre et où il vient nous aider à accomplir notre appel profond à construire le Royaume ici et maintenant. Au-delà de ce symbole fort, nous pouvons aussi nous réjouir du fait que Jésus se repose confortablement à la poupe de la barque. Nous pouvons comprendre que le repos fait aussi intégralement partie de la mission. Cet appel au repos, nous avons à l’entendre. L’activisme n’est jamais bon, ni pour nous, ni pour la mission. N’oublions pas, d’ailleurs, que Dieu comble son bien-aimé quand il dort (psaume 126).

Un temps pour tout et pour chaque chose

Certes, il est nécessaire d’annoncer l’Évangile, par et dans toute notre vie, à temps et contre-temps, mais pas à n’importe quel prix. Il est indispensable de comprendre qu’il y a véritablement un temps pour tout, sinon, oui, nous risquons d’être perdus. Pour autant, se reposer, ce n’est pas ne rien faire, c’est ralentir, faire autre chose tout en restant vigilant au monde qui nous entoure. Tel Jésus qui est réveillé avec vigueur par ses disciples, pour agir, car ils sont perdus face à la tornade qui se lève. Mais souvenons-nous également que nous ne sommes pas Dieu. Nous avons à continuer d’agir, mais dans la limite de nos forces. Ne les surestimons pas, ce serait de l’orgueil. Demandons plutôt le soutien fraternel de ceux qui nous entourent. Parfois, le tentateur, celui qui nous pousse à la désespérance, vient exacerber nos tentations de nous prendre pour Dieu. C’est une manière de nuire à l’œuvre de Dieu, car agir avec déraison, dans la précipitation et dans la désolation, n’est jamais bonne conseillère. En toutes choses, le temps est un allié pour bâtir le Royaume.

Voir toute chose nouvelle en Christ

Cette manière de comprendre l’action peut nous aider à voir toute chose nouvelle en Christ. C’est-à-dire que nous avons à demander la grâce de nous tremper dans cet amour que Dieu nous porte de manière inconditionnelle. C’est ce que Paul vient nous faire saisir dans la seconde lecture. Sans cette conscience que l’Amour de Dieu nous précède et nous saisit, notre foi et notre action seraient vaines. Parfois, nos contemporains nous affligent, nous sommes perdus face à leurs comportements et avons envie de fuir, comme envahis par une sensation de supériorité. Il nous faut alors faire mémoire de l’hymne aux Philippiens ou bien encore de celui des Corinthiens, bien connus. C’est donc bien l’Amour de Dieu qui est le moteur premier de la Création. C’est Lui qui nous protège de la désespérance, de tout ce qui peut nous éloigner de Dieu et donc de nos frères et sœurs. Lorsque nous nous approchons de la Table de la Parole, nous écoutons Dieu nous faire sa déclaration d’amour au fil de l’histoire de sa révélation. Elle nous conduit, également, au cours de la consécration eucharistique, à nous laisser imprégner, habiter par l’Amour de Dieu.

Ainsi, célébrer la messe ce n’est donc pas un acte de piété, une obligation que nous remplirions comme pour être en règle. Il s’agit davantage de « devenir ce que nous recevons », d’être en capacité de transmettre l’Amour de Dieu au cœur de ce monde, en chair et en actes.