Le Jeudi Saint : Dieu se met à genoux


Méditations au coeur du monde / jeudi, avril 14th, 2022
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Le Jeudi Saint : Dieu se met à genouxNous entrons, ce Jeudi Saint, dans le Triduum Pascal. Ce jour qui nous réunit au Cénacle nous place au cœur de la foi. Chaque fois que l’Eucharistie est célébrée, nous faisons mémoire de ce Jeudi Saint. La sainte Cène est le mémorial de ce dernier repas que le Christ prend avec ses apôtres. Ils sont tous là, même Judas — qui va le livrer, même Pierre — qui va le renier. Jésus semble le savoir. Il connaît bien notre fragilité et notre inconstance. Mais c’est jusqu’au bout qu’il nous aime. Et cet amour va jusqu’à supporter la trahison. Étrange amour que celui-ci.

Le Jeudi Saint : Dieu se fait serviteur

Jésus va encore plus loin lors de ce Jeudi Saint. Il se fait l’esclave, le serviteur de ses disciples. Le geste le plus fort de cette dernière Cène n’est pas le partage de la bouchée avec Judas ou Pierre. C’est ce Christ qui s’agenouille. Il se dépouille pour prendre le tablier de service. Nous pouvons y voir comme une préfiguration du corps du Christ sur la croix. Là aussi il se fera le serviteur de tous, s’offrant comme signe de réconciliation entre l’Homme et Dieu ; trait d’union entre le ciel et la terre.

Dieu à genoux

Ce soir c’est à genoux que le Christ se donne à nous. Tout Fils de Dieu qu’il est, il nous indique que « l’humble serviteur a la plus belle place », comme le dit le jésuite Didier Rimaud. La seule supériorité du Christ sera cette croix du Vendredi Saint. Aujourd’hui, Jeudi Saint, le Christ vient nous servir, nous laver de ce qui fait que nous sommes des glaiseux, que nous collons parfois trop à la terre. Par cette « pureté » qu’il vient nous apporter, c’est à la fraîcheur de l’eau du baptême que nous sommes invités à communier.

Le Jeudi Saint : avant-goût du bonheur

Comme Pierre, nous ne comprenons pas ce Dieu qui se fait humble, petit. Nous refusons d’entrer dans le choix de Dieu, qui, de sa naissance à sa mort, s’est fait proche des pauvres et des petits. Il est Celui qui « n’avait pas d’endroit où poser la tête », toujours en mouvement, pressé d’annoncer le Royaume du fol amour de Dieu. Ce Jeudi Saint oriente notre cœur vers la clarté pascale. Il nous donne un avant-goût du bonheur de Dieu. Il s’agit d’être en sa compagnie, de se laisser conduire et ainsi devenir davantage compagnon de Jésus.

Purifiés pour servir

Par cette eau qu’il verse sur les pieds de ses disciples, il les établit dans une proximité de mission. Ainsi, nous qui nous reconnaissons dans ce prolongement, nous sentons bien l’appel du Christ à se laisser saisir par son Amour. Une fois encore nous ne sommes pas conviés à la table du Christ par nos mérites ou notre rang, mais parce que nous sommes sensibles à son amour. Il dépasse toutes nos divisions, notre petitesse, nos désamours. C’est une invitation à nous laisser envelopper par la force du don. Cette dernière nous invite à être le plus possible en vérité. Même si nous savons que nous tomberons, que nous ne sommes pas tels que nous le rêvons, tant la vaine gloire nous colle à la peau. Pour autant, c’est une exigence pour nous de faire pour les autres ce que le Christ fait pour nous ce soir.

Naissance de l’Eucharistie

Souvent, nous disons que le Jeudi Saint est la naissance de l’Eucharistie. Alors que Jean nous parle du service, Paul nous fait récit de la Pâque du Seigneur. L’Église veut sans doute nous faire comprendre qu’il ne peut pas y avoir de service sans Eucharistie ni d’Eucharistie sans service. C’est-à-dire que lorsque nous célébrons l’Eucharistie, nous devons la vivre comme ce qui à la fois récapitule tous les services que nous effectuons au quotidien et, en même temps, comme le lieu où nous recevons la force d’être envoyés pour servir au cœur du monde.

Servir

Servir ce n’est pas faire. Souvenons-nous de Marthe et Marie. Servir c’est être présent, disponible à ceux que nous côtoyons, à ceux avec qui nous vivons. Nous pouvons reconnaître que parfois nous sommes distraits pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Nous passons à côté des uns et des autres, nous exerçons une oreille distraite alors que notre prochain peut nous dire ce qui a du sens pour lui.

Être davantage attentifs

Ces distractions, nous pouvons les remettre entre les mains du Seigneur. Lui offrir comme le pain et le vin de chaque Eucharistie. Comme nos péchés, elles ne sont pas des fatalités ou des obstacles à recevoir l’Amour de Dieu. Mais nous constatons souvent que ce sont des points de vigilance qui pourraient nous donner de vivre davantage en communion les uns avec les autres.

Vivre en communion

C’est cette communion que le Christ nous donne en partage ce soir en nous rassemblant autour de la Sainte Cène. Lui-même, au cours de ce repas, a tâché d’établir cette communion. Peut-être espérait-il que notre amour serait suffisant pour rassembler le cœur divisé de Jésus. La liberté de cet amour va jusque là. Jésus supporte que Judas prenne part à sa table, soit témoin de l’impératif du service. Mystère d’un tel amour et mystère du cœur de l’homme tant malade et compliqué.

Aimés jusqu’au bout

Gardons, pour autant, la mémoire que Jésus aime ses disciples jusqu’à l’accomplissement parfait de l’Amour. Soyons certains qu’aujourd’hui encore, Jésus nous aime. Il souhaite nous rassembler dans cette communion, dans ce sacrifice suprême de sa mort, jusqu’à ce qu’il vienne. Ce commandement ne concerne pas tant le pain et le vin, devenus son corps et son sang, mais plutôt cette union qui permet de rassembler nos cœurs, nos vies divisées par le péché.
<Rassemblés à la Table du Christ

Ce Jeudi Saint nous rassemble autour de la Table du Christ pour que nous cherchions la manière la plus juste, la plus authentique de devenir serviteurs de la mission du Christ. Même si nous ne comprenons pas toujours les appels que Dieu nous adresse, tâchons d’être attentifs à l’impératif de communion et d’amour que l’Eucharistie exige de nous.

La force du pain de vie

Nous pouvons demander la grâce en ce premier jour du Triduum Pascal d’être attentifs à ce qui peut devenir en nos cœurs racines de division, comme celles qui ont habité Judas. Que la force du pain de vie, de l’image du Christ qui vient nous demander de servir nos frères et sœurs en humanité, au cœur de ce monde, nous aide à devenir ce que nous célébrons. Puisse ce Jeudi Saint nous unir au Christ pour l’être davantage les uns avec les autres et ainsi devenir témoins d’une Église servante et pauvre.