En communion avec les victimes de violences et agressions sexuelle dans l’Église


Méditations au coeur du monde / samedi, mars 19th, 2022
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Ce 3e dimanche de Carême est la journée de prière pour les victimes de violences et agressions sexuelles et d’abus de pouvoir et de conscience au sein de l’Église. C’est une journée de deuil, de honte et surtout de repentance. Comment ne pas sentir au cœur de sa chair, de sa foi, cet opprobre devant tant de victimes de nos institutions ecclésiales ? Elles sont, nous sommes, responsables collectivement de ces abus. Nous ne savons pas toujous remettre notre foi, notre responsabilité au Père de qui dépend notre « pouvoir ».

Solidaires avec les victimes

Certes, tous nous ne sommes pas tous coupables, mais notre manière de vivre notre rapport à l’autorité dans l’Église nous rend co-responsables. Devant ces victimes, nous avons à en rendre compte d’une manière qui nous est singulière. Ce n’est pas de faux-semblants, de belles déclarations que ces femmes, ces hommes, ces enfants brisés, victimes de comportements criminels ont besoin. Nul ne leur rendra leur innocence bafouée. C’est bien davantage une prise en compte radicale de notre rapport à la transmission de ce joyau de la foi qui nous est demandée.

Travailler sur le cœur

Les bourreaux et auteurs ont à rendre compte devant la justice des hommes. C’est une bonne chose, mais que faisons-nous pour rendre cette maison de Dieu sûre ? Il ne s’agit pas de barricader et de s’enfermer dans des postures. D’ailleurs, à ce propos, le pape nous rappelle « combien il est important de travailler sur le cœur, afin qu’il sache distinguer ce qui est selon Dieu et demeure, de ce qui est selon le monde et qui passe ! » Peut-être avons-nous à entendre à frais nouveaux la Parole de Dieu. Elle peut nous guider vers une attitude plus intérieure dans notre rapport à nos contemporains. À cet égard, la première lecture est d’un riche enseignement.

Nous sommes une « terre sainte »

Moïse entend de la part du Seigneur cette phrase : « Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Pour s’approcher de Dieu, il faut faire preuve de simplicité, car Il est cette terre sainte. Si Dieu s’est approché des hommes en s’incarnant, alors nous sommes à notre tour une terre sainte. Cette sainteté invite à la chasteté, au respect infini de la singularité, de la différence de l’autre. Nous n’avons pas à mettre la main sur lui, à l’abuser par notre pouvoir, d’autant plus si nous considérons que ce dernier nous vient de Dieu. Notre foi nous invite à la sacralité de la vie, de toute personne humaine.

Notre dette vis-à-vis des victimes

Apprenons donc du Christ cette juste distance qui nous permet de ne pas empiéter sur le territoire de l’autre, sur cette « terre sacrée » qui fait sa dignité et sa beauté. Nous avons plusieurs dettes vis-à-vis de ces victimes de violences et agressions sexuelles et d’abus de pouvoir et de conscience au sein de l’Église. Celles bien sûr de rendre nos institutions plus sûres, mais aussi de rendre notre cœur moins violent, plus respectueux de la différence et de la singularité de chacun. Nous avons aussi à prendre soin les uns des autres. Reconnaissons qu’en notre cœur sommeillent la violence, la tentation de prendre le pouvoir. Prions donc humblement le Seigneur pour que nous soyons les gardiens de nos frères et sœurs. Puisse aussi cette prière s’enraciner dans le concret.

Lutter contre toute forme de cléricalisme

Au-delà des dispositifs de vigilance mis en place pour éviter qu’il y ait de nouvelles victimes, nous avons à réfléchir pour agir sur une manière de vivre ensemble notre baptême. Il est fondé sur une égalité entre les membres de l’Église. Les ministères et missions reçus par les uns et les autres nous engagent à une vigilance quant à l’exercice de l’autorité. Nous avons à marcher ensemble sur le chemin de la foi pour annoncer au monde les merveilles de Dieu, son fol amour, sa folle espérance.

Découvrir l’humilité de Dieu

Le Dieu et Père de Jésus-Christ n’est pas un Dieu lointain et punisseur, il est Celui du psaume 102, que nous entendons ce dimanche. Il est Celui dont nous avons, à la suite du Christ, à prendre la suite. Même si nous sommes fragiles et faillibles nous n’avons pas à renoncer à suivre le Christ. Il nous invite à l’Espérance et à nous enraciner dans le dynamisme de l’Esprit qui nous montre l’amour du Père. Mais, pour cela, nous avons à nous convertir, à abandonner toutes nos velléités de puissance.

Dieu à genoux

Devenir fils dans le Fils c’est reconnaître que son étendard est Celui de la Croix. Dieu s’est offert à nous dans le dépouillement et le sacrifice. Il est Celui qui s’agenouille devant nous pour nous montrer la voie du plus grand service. Lorsque nous exerçons une responsabilité, aussi infime soit-elle, n’oublions pas ces deux visages du Christ. Ils doivent sans cesse nous guider au fil de nos jours. Lorsque nous atteignons à la dignité de la personne humaine, c’est le Christ que nous crucifions une nouvelle fois. Il est mort pour que nos injustices soient transformées par la miséricorde de Dieu. Nos volontés de mettre la main sur Lui et sur nos frères et sœurs en humanité sont l’actualisation de la page d’Évangile de ce dimanche.

Soyons le changement dans ce monde

N’attendons pas que Dieu ou nos frères ou sœurs en humanité changent ce monde à notre place. Nous avons à faire notre part de chemin pour construire ce monde et être témoins de la tendresse de Dieu. L’Évangile de ce dimanche nous fait comprendre que notre manière de vivre avec les autres est aussi le reflet de notre manière de vivre avec Dieu. Si nous sommes incapables de manifester du respect, de la compassion d’abord pour les victimes, mais aussi pour les femmes et les hommes de ce temps, nous ne serons pas capables de vivre en communion avec Dieu.

Une foi qui s’incarne

Nous pouvons demander chaque jour la grâce d’être intérieurement davantage unis à son Fils. Que le Seigneur nous aide à mettre en pratique son commandement d’amour au cœur de nos vies. Nous pourrons incarner cette dimension pratique de notre foi si nous sommes à la fois capables de véritables contrition, compassion et communion les uns avec les autres. Nous savons pouvoir compter sur la grâce et la tendresse du Père qui se manifestent de bien des manières tout au long des jours. Sachons aussi compter sur la communion de prière les uns pour les autres, les uns avec les autres. Cette manière d’être nous offre l’occasion de nous décentrer et de recevoir de Dieu la force de faire de notre quotidien une « vivante offrande à la louange de sa gloire ».